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l'exigeante
30 septembre 2011

Pourquoi lire les classiques

(j'emprunte mon titre à Calvino, of course.) Lire des classiques, donc. J'ai passé l'âge des lectures imposées, pourtant de grands classiques je continue d'en lire, et pas toujours pour de bonnes raisons. J'ai lu Saint-Simon parce que le titre choisit par l'auteur et le design de la couverture m'ont interpellée. J'ai lu Un Amour de Swann parce qu'il était publié chez Pointdeux et que je devais rentrer en train. Mais ce sont, peut-être, deux bonnes raisons ? Il m'arrive encore, malgré mon (grand) âge de me dire "mais quelle honte, tu n'as jamais lu ..." et même, récemment, j'ai fait une liste de dix grands classiques qui manquent à ma culture. Le premier d'entre eux, par hasard, se trouvait être "La Chartreuse de Parme". J'avais lu "Le Rouge et le Noir" au collège, j'en garde un souvenir vague, j'ai lu "Vie de Rossini" à la fac, dans le cadre d'un cours en maîtrise sur allez savoir quoi ??? avec un prof d'une érudition et d'une finesse intimidantes. Mais jamais la "Chartreuse". C'est GeorgeSand (je lis son blog. Si, si, GeorgeSand blogue...) qui a lancé (ou peut-être seulement relayé ?) l'idée d'une LC (pour les non initiés : une lecture commune) de la Chartreuse de Parme. Copie à rendre pour le 30 septembre. J'ai donc avalé les 650 et quelques pages de mon édition en livre de poche en 2 jours et demi, au camping, en aout. J'ai découvert un roman-fleuve du XIXème siècle,où l'on trouverait peut-être la matière à 10 romans : le début, un peu confus et brouillon, l'entrée des troupes napoléoniennes à (Milan?) en 1796, le contexte historico-politique vaguement esquissé (difficile à saisir pour quelqu'un comme moi qui ignore à peu près tout de l'histoire de l'Italie, malgré 8 années d'italien, et de celle de Napoléon, sauf qu'il est mort à Ste Hélène (et que son fils Léon lui a crevé l'bidon.)

La jeunesse du héros, celle de sa tante la duchesse de Sanseverina ; et le premier « épisode » à proprement parler, là où on a vraiment la sensation de rentrer dans l'action : Fabrice qui part à Waterloo. Mais on sent bien que ce n'est qu'une péripétie « secondaire » dans la vie du héros : on le suit, incertain, hésitant, résolu à se battre, mais toujours semblant passer « entre les gouttes » du véritable combat, entre les boulets de canon, plutôt.

Puis, se noue réellement ce qui sera le cœur du roman : la duchesse de Sanseverina, séduite par le comte de Mosca, ministre et conseiller du Prince de Parme, décide de suivre son amant et de s'installer à la cour de Parme. Ensemble, ils décident pour Fabrice de le faire évêque. Pour cela, il devra étudier la théologie à Naples, et ensuite, intégrer la cour de Parme et gagner les faveurs de l’archevêque.

 

Ce qu'on ressent à la lecture : un foisonnement, un jaillissement d'actions, on est très très loin de la règle des trois unités. Le roman se déroule sur l'espace d'une vie, la vie entière de Fabrice del Dongo. Il est difficile d'en trouver l'unité, un thème central qui parcourrait l'œuvre d'un bout à l'autre.

 

Bien sûr, rétrospectivement, on aperçoit des « ponts » entre la première partie du roman et la suite ; Fabrice est très versé dans la recherche de « signes » du destin, il a été éduqué par un prêtre, féru d'astrologie, qui prédit d'ailleurs la vie de Fabrice avec beaucoup d'exactitude, sans pour autant que ce dernier puisse éviter les ornières qui lui sont pourtant prédites. Et de même, au début du roman, à Waterloo, trouve-t-il un certain « signe » qui court tout le long du roman, et qui nous amène à la situation « centrale » de l'œuvre.

 

Ensuite, si Fabrice est couramment désigné comme « le héros » par Stendhal lui-même, on peut penser que le personnage central du roman c'est plutôt sa tante, la duchesse de Sanseverina. En effet, c'est elle qui vient en aide à Fabrice, elle qui, par son intérêt, puis son amour pour son neveu, le conduit à Parme où se scelle son destin. Elle est d'ailleurs un personnage des plus passionnants, et sa personnalité, ainsi que sa vie, en font le personnage le plus intéressant du livre à mon sens, le plus riche, le plus vivant, celui à la personnalité la plus « réaliste ». Quand au personnage le plus attachant, c'est pour moi l'amant de cette duchesse, le comte Mosca, dont l'amour se manifeste de façon bien plus plaisante que celui de Fabrice (à mon humble avis. Fabrice pleure toutes les larmes de son corps toutes les 5 minutes, ça va bien un peu, mais moi c'est pas mon truc!)

 

Le troisième « axe » central du roman, c'est peut-être la politique, la vie politique italienne. Le roman débute avec les allers et retours de Napoléon, qui entraîne avec lui un flux et un reflux de l'influence des libéraux italiens, partisans de l'unité du pays. (unité qui se fera presque un siècle plus tard, au temps de Verdi et de Vittorio-Emanuele, ça c'est la partie de l'histoire italienne qu'on apprend en cours de langue.)

La vie politique à la cour de Parme, où se situe toute la seconde partie du roman, est elle aussi amplement traitée : on y découvre un Prince qui a lu et relu Saint-Simon (et du coup, comme ma propre lecture du mémorialiste est toute fraîche, j'ai vraiment goutté toutes les allusions et les citations de Stendhal, qui connaît apparemment les « mémoires » sur le bout des doigts.), et qui, à l'image de Louis XIV dont il a un portrait dans son bureau, attache une importance démesurée à des « riens », comme l'usage d'un tabouret, d'une chaise ou d'un fauteuil selon son rang, le port du « grand habit de cour » en sa présence, etc...

 

Donc, toutes les intrigues de cour, qui se superposent et se tissent avec les intrigues réellement politique, issues de l'opposition entre un parti « libéral » et un parti conservateur, au sein duquel coexistent une branche « dure » et une branche plus souple représentée par le comte Mosca, qui se vante d'avoir vidé les prisons de Parme...

 

 

 

 

BREF :

 

  • j'ai aimé : la vie de la cour de Parme, le ton très enlevé et parfois humouristique sur lequel Stendhal nous montre les travers de ses personnages, la sagesse du comte Mosca, et la description des paysages italiens : lac de côme, Parme, Milan, etc...
  • J'ai moins aimé, voire pas aimé du tout : la dispersion de l'intrigue (d'ailleurs on ne peut pas parler de l'intrigue du roman, on ne peut pas le résumer...), le côté trop romantique du personnage principal : Fabrice pleure comme je l'ai dit pour tout et rien, l'objet de son amour est une petite bécasse à qui on foutrait des baffes, on peut dire que je ne me suis pas attachée aux personnages principaux !

 

Mais ce dont je voulais surtout parler, plus que de ma lecture du roman elle-même, c'est de l'édition. J'ai donc acheté ce livre de poche :

parce qu'il m'est tombé sous la main à la FNAC de Perpignan, et qu'à 5,50 euros les 650 pages ça fait pas cher du papier. C'est l'édition "revue sur texte original, annotée et présentée" par un certain Michel Crouzet. Et bien moi, ce monsieur, il m'a gâchée ma lecture. Voui.

-----------------------------------------ATTENTION : dans mon "résumé" et mes impressions de lectures, j'ai fait bien attention de ne pas dévoiler l'intrigue au-delà des 150 premières pages. Parce qu'on a beau lire un "monument" de la littérature française, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un roman, plein de rebondissement, et qu'à mon avis, les connaitre à l'avance nuit gravement à la première lecture. En revanche, ci-dessous, je balance tout. Donc, si vous continuez de lire ET que vous n'avez jamais lu la Chartreuse de Parme, ne venez pas vous plaindre, je vous aurais prévenus, MOI ----------------------------

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bien, nous sommes donc entre "Happy Fews", je continue. M. Crouzet, donc, publie une ample préface au roman. Comme j'avais du temps, et l'envie de vraiment rentrer dans le roman, je décide de lire la préface. J'ai (bêtement) supposé qu'étant placée AVANT le roman, elle ne serait qu'une présentation, du contexte, peut-être du roman lui-même, mais à grand traits, sans dévoiler toute l'intrigue... Sinon, ai-je (toujours bêtement) pensé, M. Crouzet placerait son texte à la FIN du roman (là où se trouve les presque 100 pages d'annexes...)

M. Crouzet nous explique, p. VIII de sa préface, que "La Chartreuse demande une lecture naïve, un premier degré de lecture qui adhère fortement au romanesque, et inspire en même temps un irrespect total et pour tout". Bon, l'histoire de l'irrespect, je sais pas trop de quoi il parle, mais la lecture naïve, premier degré, qui adhère au romanesque, je prends !! c'est tout moi, ça.

Et donc je continue ma lecture (naïve) de la préface, et BAM !! voilà ti pas que j'apprends TOUT de l'intrigue : la prison, Clélia... tout !!!

Il dévoile tous les "signes" de la (très longue) première partie qui vont amener, annoncer, des évènements de la deuxième partie... Du coup, ma lecture naïve, je pouvais me la mettre où je pense ! En rencontrant Clélia et son père pour la première fois, j'étais censée IGNORER que Fabrice était appelé à l'aimer ! En visitant Parme pour la première fois, j'étais censée IGNORER que la tour Farnèse allait être la prison de Fabrice pendant des années !!

Alors bien sûr, A POSTERIORI, tous les liens, tous les signes, font sens. Mais à la première lecture, quel besoin avais-je qu'on vienne ainsi me mettre À L'AVANCE les points sur les i ???

 

J'ai lu ce livre, comme quand on voit pour la première fois un film avec quelqu'un qui le connait par cœur et ne peut s'empêcher de vous livrer les répliques une secondes avant que l'acteur ne les prononce. Avec une envie de meurtre.

 

D'autant plus que le volume est bourré, à chaque page, de notes de bas de pages. Certaines de ces notes sont vraiment pertinentes pour le lecteur naïf : elles donnent des indications sur le contexte, sur la vie de Stendhal lui-même... Mais d'autres sont d'abominables spoilers ! Et comme je suis INCAPABLE de m'empêcher de lire les notes de bas de page, et bien le peu de suspens qui demeurait après ma lecture du début de la préface (oui, parce que je ne l'ai pas lue en entier, hein !! Quand j'ai compris qu'il balançait tout, j'ai arrêté...), m'a été ruiné par les notes de bas de pages.

 

Bon, j'avais encore plein de choses à dire à propos de cette lecture de la Chartreuse, mais vu la longueur de ce billet, il faut m'arrêter là pour épargner mon pauvre lectorat qui a surement bien mieux à faire... Je conclurai donc en me faisant la promesse désormais de lire mes classiques en FOLIO, (où il me semble que les notes sont reportées à la fin du texte), de ne plus lire les préfaces avant les romans mais APRÈS (et si j'avais procédé ainsi je n'aurais jamais réussi à lire "Le Bruit et la Fureur", chez Folio justement voilà l'exemple type d'une préface indispensable) et de me méfier plus encore des vieux universitaires érudits peine-à-jouir. (Si, faisant une recherche Google sur son nom, M. Crozet arrive sur ce blog, il va mettre un contrat sur ma tête. J'm'en fous, j'dis c'que j'pense.)

 

 

 

 

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Commentaires
N
J'ai les mêmes problèmes que vous avec les éditeurs imbéciles (je suis très très gentil en les nommant ainsi) qui mettent des notes en bas de page ou des préfaces (que je ne lis qu'après- toujours-) qui dévoilent l'intrigue des romans. Que peuvent bien avoir dans le crâne de telles personnes pour agir de la sorte? Désir de nuire?
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