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l'exigeante
28 décembre 2012

Nobel Prize...

Je suis très loin de connaître l'œuvre de chaque prix Nobel de littérature. Au contraire, alors que ça fait des années que je me dis qu'il faudrait que je lise au moins UN roman de chaque lauréat du Nobel, je n'ai toujours pas acheté le moindre volume de Naipaul ni de Pamuk, dont j'ai pourtant entendu le plus grand bien.

Et je n'ai encore jamais lu non plus Toni Morrison, qui figure pourtant dans ma "PAL" depuis... mes 14 ans, quand l'étudiant américain qui vivait chez nous nous l'a cité comme l'écrivain américain vivant le plus important, selon lui...

 

Mais bon, certaines rencontres comme celle de Kenzaburo Oé ayant été de véritables éblouissements littéraires, je persiste dans mon "projet" de lire tous les prix Nobel de littérature.

C'est donc suite à l'annonce de son prix, il y a quelques semaines, que je suis allée piocher l'épais volume de Mo Yan dans la bibliothèque de ma mère, qui m'en avait déjà conseillé la lecture depuis plusieurs années.

"Beaux seins, belles fesses", ce sont les caractéristiques physiques des 8 filles de la famille Shangguan. Leur petit frère, Jintong, est le narrateur de cette immense fresque familiale chinoise.

À sa suite, on est entraîné à travers l'histoire du peuple chinois au XXème siècle : invasion japonaise, deuxième guerre mondiale, et toutes les étapes du communisme chinois : réforme agraire, mouvement des "cent fleurs", révolution culturelle, passage à l'économie de marché, etc...

 

Mais tout cela n'est qu'une lointaine trame de fond. Les membres de la famille Shangguan, et tous les habitants du canton du nord-est de Gaomi, de pauvres paysans pour la plupart, n'ont aucune prise sur leur destins : ils sont ballotés de famine en guerre, d'humiliation publique en rééducation par le travail, alternant les périodes prospères et les temps de disgrâce sans aucune lisibilité, sans aucune possibilité d'agir sur leur destin.

 

J'ai lu sur le bandeau de l'édition de poche "Le "Cent ans de Solitude" chinois". Mais si les points communs existent entre les deux œuvres (une saga familiale intimement liée au destin politique d'un pays, une famille tentaculaire : les 8 sœurs donnent naissances à des dizaines d'enfants qui sont élevés par leur grand-mère, les soeurs apparaissent et disparaissent, reviennent alors qu'on les croyait mortes, meurent dans des circonstances extraordinaires), je n'ai retrouvé à aucun moment dans ce roman le côté truculent, grand-guignol, qui règne dans les aventures de la famille Buendia.

Au contraire, Jintong, le narrateur, n'a rien d'un matamore; faible et geignard, pendu au sein de sa mère jusqu'à l'âge adulte, il subit toute sa vie les aléas du destin, ne parvenant jamais à s'affirmer, toujours soumis à la volonté des femmes : sa mère, ses sœurs, et toutes celles qu'il rencontrera au cours de sa vie.

Je n'ai pas éprouvé de sympathie pour ce personnage misérable, pour ce "pauvre type" qui semble mériter que le destin s'acharne sur lui... Au contraire, la figure de sa mère, qui assume l'éducation de ses 9 enfants et de ses innombrables petits enfants, qui trouve toujours le moyen de les nourrir (lui faut-il, en temps de grande famine, avaler des pois crus sur son lieu de travail, pour les régurgiter à son retour afin que son petit-fils puisse manger quelque chose), qui mène sa famille à travers le siècle, et dont on apprend dans les toutes dernières pages, à quel point ses premières années de mariages furent épouvantables, battue et insultée sans cesse par une belle-mère acariâtre qui lui reproche la naissance répétée année après année de toutes ces filles, inutiles bouches à nourris dans une société encore emprunte de féodalité, est, elle, l'image d'un peuple opprimé, malmené, mais jamais réellement soumis ni écrasé.

On ne peut pas dire que l'humour soit présent dans ce livre, où les descriptions des sévices, des corps suppliciés sont nombreux; mais on a plutôt l'impression d'être en présence de ce personnage du "Lotus Bleu", qui raconte en riant tous les malheurs qui sont lui sont arrivés... Un rire tout sauf joyeux, un rire à l'encontre de ce que nous, occidentaux, considérons comme de l'humour...

 

En bref, je suis contente d'être venue à bout de ces 900 pages, d'avoir découvert l'œuvre de cet auteur; cependant je n'ai pas pris de véritable plaisir à cette lecture, dont je suis ressortie plutôt mal à l'aise, et dont je ne suis pas sûre d'avoir compris ce que l'auteur cherchait à dire.

Un prix Nobel n'est pas remis seulement pour récompenser la qualité purement littéraire d'une œuvre, mais a aussi toujours des sous-entendus politiques. Quelle est la portée politique du roman de Mo Yan ? Il ne semble jamais rien dénoncer, ou plutôt il renvoie dos à dos tous les oppresseurs du peuple chinois, montrant qu'un tel, humilié un jour, peut devenir le lendemain un dirigeant sanguinaire... Mais à aucun moment il n'est question de révolte, d'insoumission : les paysans qu'il décrit sont soumis, survivent (ou tentent de le faire) au jour le jour, sans réelle conscience des causes de leur malheurs, sans chercher à résister, à comprendre, à questionner... comme des animaux de batterie, ils se contentent d'espérer que le couperet les épargnera un jour de plus.

Est-ce vraiment le visage du peuple chinois au XXème siècle ? En tout cas, des populations non éduquées de la Chine profonde ?



Si je devais recommander la lecture d'un roman chinois contemporain, je suggèrerais plutôt celle du "Totem du loup", dans lesquels la question de la destruction d'un peuple, d'une culture, de son éco-système, sont soulevés de façon explicite...





 

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