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l'exigeante
10 septembre 2012

Bellefleur

Les étés se suivent mais ne se ressemblent pas... Si en 2011 j'ai lu plus de 10 000 pages en juillet et août, le cru 2012 est largement plus modeste. En cause, en vrac, le voyage à vélo, les activités plus nombreuses, et surtout l'absence de ma "retraite" littéraire, une semaine seule avec mes livres qui m'avait permis l'année passée de dévorer quelques pavés.

Donc, là où j'avais lu Nous étions les Mulvaney en deux ou trois jours l'an dernier, il m'aura fallu plus de deux semaines pour avaler Bellefleur, un autre roman de Joyce Carol Oates, auteur américain extrêmement prolifique.

Bellefleur est un roman publié en 1981 (et réédité plusieurs fois depuis, en particulier, très récemment à la cosmopolitaine chez Stock); Oates a écrit plus d'une quarantaine de romans (ne parlons ni des nouvelles, ni du théâtre, ni de ses polars publiés sous pseudo), son œuvre s'étend des années 70 à aujourd'hui. Mais les précédents romans que j'avais lu d'elle datent tous des 10-15 dernières années, les romans de sa "maturité", dirons-nous.

Plonger dans Bellefleur, c'est découvrir ce qu'était son style, quels étaient ses thèmes, aux débuts de son travail romanesque.

Et j'avoue que j'ai été beaucoup moins séduite, moins happée par la famille Bellefleur que par la famille Mulvaney, par exemple, même si on trouve, en germe ou déjà parfaitement présent, beaucoup des thèmes ou des "qualités" narratives de Oates dans Bellefleur.

 

Concernant les thèmes traités, on est encore une fois dans une histoire de famille : Bellefleur est le nom d'une famille américaine, dont Oates nous raconte l'histoire, du premier ancêtre s'étant installé sur le sol américain (Jean-Pierre Bellefleur, qui fuit la France au 18ème siècle) à la génération contemporaine.

Ici encore, le passé familial est présent, et les évènements dramatiques que la famille a connu quelques 100 ou 150 ans auparavant continuent leur œuvre dans l'inconscient des membres de la famille. De plus, le passé résonne dans le présent par la redondance de certains prénoms : certains enfants Bellefleur du 20ème siècle portent le prénom d'un de leurs ancêtre : Jean-Pierre, Germaine, Raphael...

 

La narration n'est ni chronologique ni linéaire, comme toujours ou presque chez Oates. Mais là où, dans ses romans plus récents, elle se permet des aller-retours et des anticipations directement dans le fil du récit, dans Bellefleur, chaque chapitre se déroule à une époque différente et a pour personnage principal un des membre de la famille. On passe donc tour à tour des années 70 au 19ème siècle, on évoque un enfant, puis son arrière-grand-oncle dans le chapitre suivant, pour revenir ensuite à un autre personnage...

Certains personnages n'apparaissent que dans un chapitre ou deux, mais d'autres sont présents du début à la fin du roman, on suit, d'un chapitre à l'autre (entrecoupés par les apparitions des personnages secondaires) leur parcours, leur vie entière, de l'enfance à la vieillesse. Parmi ces personnages, Leah, son mari Giddeon et leur dernière fille Germaine, dont l'arrivée dans la famille va bouleverser les équilibres précaires, sont ceux dont l'histoire est la plus détaillée, ceux qui sont présents au premier et au dernier chapitre.

Jedediah, un des fils de Jean-Pierre Bellefleur, celui dont toute la famille descend, est lui aussi présent presque tout au long du roman, de sa fuite dans la montagne à la recherche du visage de Dieu à son retour parmi les homme, quelques trente ans plus tard.

 

On trouve dans ce roman quelques éléments surréalistes, presque fantastiques, qu'on ne retrouve plus du tout dans les livres plus récents de l'auteur : Oates ne se préoccupe nullement de réalisme, ici les objets ont une volonté propre, tel ce miroir qui ouvre un passage vers un autre monde dans lequel un des fils Bellefleur a disparu, ou ce clavicorde dont personne ne réussit à tirer de musique depuis que la jeune femme pour qui il a été fabriqué est tombée amoureuse de l'ébéniste embauché pour le réaliser...

 

En revanche, toute la dimension psychologique des personnages est absente, ou à peine esquissée : ici, pas de plongée directe dans leurs pensées comme dans Blonde ou Les chutes, par exemple; les causes de leurs actions ne nous sont pas clairement expliquées, à nous de comprendre pourquoi le couple Leah/Giddeon se délite, pourquoi Giddeon finira par agir comme il le fait dans le dernier chapitre...


En résumé : ce n'est pas un roman que je recommanderais pour "découvrir" Joyce Carol Oates, mais c'est un livre très dense; qui peut plaire je pense aux amateurs de saga familiales un peu surréalistes, à la Cent ans de solitude ou à la Maison aux Esprits. Ce n'est pas un livre "facile" à lire, la langue est belle, travaillée, on ne peut pas lire ce livre "en diagonal". De plus la multiplicité des personnages et des époques nécessite un peu de "travail" de la part du lecteur... Je ne regrette pas d'avoir fait ce "travail", mais je pense lire prochainement plutôt ses romans des années 2000...

 

 

 

Pour lire d'autres avis de blogueurs sur Bellefleur ou sur d'autres romans de Joyce Carol Oates c'est ici :

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Commentaires
G
Moi aussi j'espère arriver à tous les lire mais la bougresse écrit plus vite que je ne lis ses romans ! Deux sont encore prévus bientôt : un recueil de nouvelles et un roman chez l'éditeur Philippe Rey<br /> <br /> http://www.philippe-rey.fr/f/index.php<br /> <br /> je te file le lien si ça t'intéresse :D !
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E
À l'occasion, oui, sans doute. Sans avoir une "date limite", je pense que je lirai tous les romans de Oates, à terme (à la retraite, j'aurais plein de temps !).<br /> <br /> J'avais trouvé Bellefleur d'occasion chez mon bouquiniste, quand il a des Oates que je n'ai pas lu, je les achète...
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G
Je me disais bien que ce roman devait être assez différent des romans plus connus de Oates, voire plus récents. Mais comme je suis une fan absolue, je pense qu'il est intéressant de voir aussi la genèse de son oeuvre. Je compte donc le lire. Penses-tu que tu liras les deux autres tomes ?
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